Trois voix, le speaker, les deux adultes homme et femme, plus la voix des enfants en chœur

René le rêveur dit à Michèle la réaliste :
- Michèle, ce matin sur France Inter j'ai entendu une citation de Patrice de la Tour du Pin,
un poète héros de la Résistance au nazisme : " Un pays qui n'a plus de légende est un
pays condamné à mourir de froid". Je me tourne vers toi, Michèle, ma
Mi, dis-moi, quelle est ta légende ?
Michèle la réaliste dit à René le rêveur :
- C'est une bien belle citation, vois-tu, ce n'est pas que je n'ai pas de légende, c'est que je
n'ai plus de pays. Toi, René, qui m'interpelle ainsi cruellement de bon matin, dis-moi,
quel est ton pays ?
René le rêveur dit à Michèle la réaliste :
- J'en ai parcouru mille de pays, j'ai sauté de l'un à l'autre, j'en parcours encor beaucoup,
sans bouger de mon fauteuil, tu le sais il n'y en a qu'un seul qui soit le mien, un monde
sans frontière, je rêve toujours que l’univers soit un jour notre seul pays.
Michèle la réaliste dit à René le rêveur :
- Oh René, toi qui as toujours la tête pleine de lune, se pourrait-il que tu n'aies plus ni
pays, ni légende, ni lune ?
René le rêveur dit à Michèle la réaliste :
- S'il en était ainsi, qu'allons-nous devenir ? Si j'avais enfin les pieds sur terre, toi, la tête
dans les nuages ? Pour quel pays, vers quelle légende ?
Michèle la réaliste dit à René le rêveur :
- Ecoute, nous sommes déjà deux. C’est le début du communisme. Il faut bien un début à
tout. Enfin ta citation de France Inter, tu ne vas pas en faire tout un plat !
Emilie et Jonathan, cachés dans la coulisse, reprennent en chœur :
- Papa, Maman, un plat pays, bien entendu !

Marseille, 2014